Les jeux vidéos et la blockchain sont deux secteurs avec beaucoup de similitudes : ils représentent des marqueurs technologiques de l’époque, et il y a un goût prononcé pour l’expérimentation, c’est-à-dire que les développeurs comme les utilisateurs sont très enclins à tester des nouveaux concepts. Il est même assez fréquent qu’un joueur et un utilisateur de la blockchain soient une seule et même personne.

Par ailleurs, Vitalik Buterin a été directement inspiré par les jeux vidéos. En effet, c’était un joueur chevronné de World of Warcraft qui a vu son démoniste s’affaiblir du jour au lendemain, à cause d’une mise à jour imposée arbitrairement par l’équipe de développement. C’est à partir de ce genre d’expérience qu’il trouvera l’inspiration pour cofonder Ethereum.

Avec toutes ces similitudes, on pourrait croire que la fusion de ces deux secteurs serait évidente et rapide. Mais en réalité, ce n’est pas du tout le cas. Le but de cette édition sera de faire un état des lieux sur la fusion du jeu vidéo et de la blockchain, et d’en déduire les opportunités professionnelles.

Les cas d'utilisation de la blockchain

Pour déterminer quelles sont les opportunités professionnelles qu’on peut trouver dans la fusion de la blockchain et du jeu vidéo, il est nécessaire de relever quels problèmes la blockchain peut résoudre. À l’heure actuelle, il y a 3 problèmes généraux dans l’industrie du jeu vidéo :

1. La propriété des jeux est relative. Sur les plus grosses plateformes de vente de jeux en ligne comme Steam ou Epic Games Store, on achète uniquement un accès au jeu et non sa propriété. Si un compte sur une plateforme doit être bloqué pour une raison ou pour une autre, l’utilisateur perd l’accès aux jeux qu’il a acheté.
2. Le pouvoir de décision sur le développement d’un jeu est centralisé. Ce sont les développeurs, parfois influencés par les éditeurs qui choisissent quoi mettre dans leur jeu ou non, sans que les joueurs ne puissent contester les décisions.
3. L’échange d’objets virtuels est archaïque. Les sites d’échanges d’objets (voire de comptes) comme G2G existent, mais ce genre de plateforme impose des commissions élevées et des procédures d’échange qui n’empêchent pas toujours les arnaques.

À tous ces problèmes, la blockchain constitue une réponse pertinente, notamment via les tokens non-fongibles (NFT) :

La propriété aux joueurs

Un NFT peut s’assimiler à un titre de propriété. À partir de ça, on pourrait assigner n’importe quelle propriété à un NFT, y compris des jeux ou des ressources virtuelles, et c’est la blockchain qui fait foi pour déterminer celui qui le possède. On peut donc savoir de quel actif il s’agit, quelle adresse l’a créé et quand il a été créé.

Aujourd’hui, la tokenisation des ressources virtuelles est bien implantée dans les jeux blockchain actuels. Certains jeux imposent de posséder une ou plusieurs ressources pour pouvoir jouer.

Mais on peut aussi se servir de la blockchain pour créer des copies de jeux sous forme de NFT pour que les joueurs soient réellement propriétaires de leurs jeux. Le projet le plus connu dans ce domaine est Ultra, qui se présente comme une alternative à Steam.

Externaliser le développement

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Dans l’industrie du jeu vidéo en général, l’approche est “descendante”, c’est-à-dire que l’équipe de développement se charge de créer le jeu, et doit fédérer une communauté autour du jeu pour que sa vente soit réussie. Autrement dit, la création de valeur provient des créateurs

Avec l’avènement des NFTs, on découvre qu’il est possible d’avoir une approche “ascendante”, ce qui signifie que la création de valeur provient de la communauté. C’est la communauté qui peut apporter de la valeur en créant des jeux, des histoires ou n’importe quel contenu auquel les détenteurs de NFTs peuvent avoir accès.

C’est une tendance qui a démarré avec la collection de NFTs “Loot” et qui commence à être reprise par d’autres communautés, notamment celle de Aavegotchi.

Des échanges de ressources désintermédiés

S’il n’y a qu’un seul cas d’utilisation à retenir de la blockchain dans le jeu vidéo, c’est celui-ci.

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Dans les faits, la blockchain n’a pas inventé l’échange de ressources virtuelles. Ce genre d’échange est déjà un marché à part entière dans le jeu vidéo, qui est particulièrement présent sur les jeux populaires.

Mais ce type de marché souffre d’un manque de standard et/ou d’intermédiaires qui en profitent. La blockchain est justement une solution à ces deux problèmes, avec une vraie standardisation des échanges ainsi que la désintermédiation inhérente à cette technologie.

Les problèmes de la blockchain

Quand bien même la blockchain apporterait des améliorations majeures à l’industrie actuelle du jeu vidéo, les jeux sur la blockchain font face à certains problèmes majeurs qui empêchent leur adoption :

Les jeux blockchain sont ennuyeux

Axie Infinity était le jeu blockchain le plus populaire, car il avait démocratisé le concept de “Play-to-Earn”, à savoir jouer pour gagner des ressources virtuelles échangeables contre n’importe quel token sur Ethereum. Mais lorsque les récompenses ont été réduites et que les prix des tokens AXS et SLP ont chuté, l’immense majorité des joueurs a abandonné le jeu. Morale de l’histoire : on jouait à Axie pour l’argent, pas pour s’amuser.

Si on enlève la dimension financière des jeux blockchain, ils sont beaucoup moins intéressants que leurs homologues traditionnels. Il y a donc un réel besoin de compétences en Game Design dans le milieu de la blockchain.

Le modèle économique des jeux blockchain est à revoir

Un modèle économique où tout le monde gagne est voué à s’effondrer. Axie a été cité pour l’exemple, mais d’autres projets comme STEPN ont également cherché à récompenser tous leurs utilisateurs sans exception.

Mais en offrant des récompenses à l’infini, on crée une offre infinie que la demande ne pourra jamais suivre. C’est ainsi que STEPN a été populaire le temps de quelques mois, pour être tombé dans l’oubli aujourd’hui.

Bien que les jeux blockchain offrent beaucoup de possibilités pour monétiser les développeurs et les joueurs, il n’existe pas encore de formule établie pour instaurer une économie pérenne.

Les NFTs ont mauvaise réputation chez les joueurs

Si la blockchain est mal vue chez les joueurs, c’est à cause de plusieurs événements que ces derniers ont mal vécu :

L’euphorie des NFTs a commencé en 2021, à une époque où Ethereum était encore en Proof-of-Work, et avait besoin de cartes graphiques pour fonctionner. La demande en cartes graphiques était telle qu’il y avait une pénurie, causant une hausse considérable du prix unitaire des cartes graphiques. Cette hausse a impacté les joueurs, qui ont désigné les NFTs comme responsables.

L’année suivante, Ubisoft a lancé Quartz, une plateforme d’échange dédiée aux NFTs qui se révèlera être un échec cuisant :

• Les NFTs étaient consacrés au jeu Ghost Recon : Breakpoint, un jeu pour lequel les joueurs n'éprouvaient aucun intérêt
• Les conditions d’utilisation étaient tellement contraignantes que l’utilité d’en faire des NFTs était remise en question

En conséquence, Quartz fermera sa plateforme quatre mois plus tard et les NFTs sont considérés comme des arnaques, aussi bien chez les joueurs que chez les personnalités de cette industrie.

Il en faudrait bien plus pour dissuader l’utilisation des NFTs dans les jeux vidéos, mais il est clair que l’appellation “NFT” ne doit plus être utilisée si on développe un jeu qui en intègre.

Un monde d’opportunités

Malgré tous les défauts qu’on peut reprocher aux jeux blockchains, le succès des Play-to-Earn a été tellement fulgurant qu’il a suscité l’intérêt des professionnels du jeu vidéo en général.

Pour reprendre l’exemple d’Axie Infinity, sa capitalisation était estimée à 10 milliards en novembre 2021, soit un tiers de la capitalisation de la plateforme Steam, alors que c’était un jeu qui ne bénéficiait d’aucune publicité. N’importe quel professionnel du jeu vidéo souhaite connaître un succès similaire.

https://www.coingecko.com/research/publications/top-video-game-companies-in-web3?utm_campaign=Data%2BVisualization&utm_medium=social

À ce compte-là, CoinGecko a réalisé un rapport qui répertorie les entreprises de jeu vidéo ayant investi dans la blockchain :  Parmi les 40 entreprises les plus capitalisées de l’industrie du jeu vidéo, 72% d’entre elles ont investi dans le Web3, et 24% sont actuellement en train de développer leur propre jeu intégrant la blockchain.

https://messari.io/report/state-of-crypto-fundraising-q3-2023?referrer=research-reports

En parallèle, Messari a réalisé un rapport sur les financements crypto qui se sont déroulés au cours du trimestre dernier : Quand bien même le nombre et le montant des financements aurait considérablement baissé par rapport aux deux dernières années, le jeu vidéo représente le 3ème secteur le plus financé dans le secteur de la blockchain, avec 33 levées de fonds pour un total de $249 millions.

D’un côté, nous avons les jeux blockchain qui ont besoin de compétences en Game Design, et de l’autre l’industrie du jeu vidéo qui a besoin de compétences en blockchain. En d'autres termes, la croisée des chemins est déjà en train de se faire !

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