Chaque année, il y a un ou plusieurs secteurs spécifiques à la blockchain qui sont plus populaires que d’autres :
- 2020 : Finance décentralisée (DeFi)
- 2021: Tokens non-fongibles (NFTs) & Blockchains d’infrastructure (Layer 1)
- 2022 : Communication cross-chain (Bridges)
- 2023 : Intelligence artificielle et combinaisons avec la blockchain
Pour cette année 2024, c’est définitivement le Restaking qui a attiré le plus d’attention, mais il n’est pas forcément évident de savoir en quoi ça consiste, et l’influence qu’il peut avoir sur l’industrie de la blockchain en général. L’édition de cette semaine aura donc pour but de fair un tour d’horizon du restaking
Le restaking, c'est quoi ?
Avant de parler de restaking, il est nécessaire de parler du staking pour en saisir tout le sens.
Dans une blockchain comme Ethereum qui utilise le mécanisme de “Proof-of-Stake”, les utilisateurs doivent déposer (ou “staker”) une certaine quantité de cryptomonnaies pour devenir validateur et ainsi participer à la sécurité de cette blockchain.
Les blockchains Proof-of-Stake sont programmées pour récompenser les validateurs lorsqu’ils oeuvrent pour sa sécurité, et sanctionner les validateurs qui fragilisent sa sécurité. Prenons l’exemple d’Ethereum :
- Les validateurs d’Ethereum qui attestent les blocs et qui produisent les blocs lorsqu’ils sont désignés pour les créer sont rémunérés en ETH.
- Les validateurs d’Ethereum qui se comportent de façon malveillante (attestations contradictoires, proposition de plusieurs blocs en même temps…) se font confisquer leur ETH. Cette pénalité pour sanctionner les validateurs malveillants est appelée le “Slashing”.
D’une certaine façon, le Staking représente la carotte et le bâton qui assure la sécurité de la blockchain. Les validateurs qui assurent sa sécurité sont rémunérés, et les validateurs qui menacent sa sécurité sont pénalisés (ou “slashés”).
Jusqu’à maintenant, le Staking sert uniquement à la validation des blockchains en Proof-of-Stake. Mais en parallèle des blockchains, il existe aussi tout un ensemble de réseaux qui ont besoin d’assurer leur propre sécurité :
- Les oracles pour apporter des données du monde extérieur sur la blockchain
- Les bridges pour faire communiquer plusieurs blockchains différentes entre elles
- Ou encore des blockchains ayant une sécurité ou une décentralisation moindre
Tous ces réseaux utilisent généralement leur propre cryptomonnaie (ou "token") pour fonctionner, mais n’ont pas forcément le même niveau de sécurité ou de décentralisation qu’Ethereum par exemple.
C’est là que réside l’objectif du Restaking : permettre d’intégrer du staking au-delà de la simple validation des blocs.
Ainsi, avec le restaking, on peut staker nos cryptomonnaies plusieurs fois pour sécuriser plusieurs réseaux en même temps. On peut imaginer un validateur qui sécurise à la fois le réseau Ethereum, un réseau d’oracles et un bridge en même temps.
D’autres réseaux tels que les Layer 2, et même des protocoles DeFi qui utilisent une infrastructure en dehors de la blockchain (comme CoWswap) peuvent être sécurisés par le restaking.
On obtiendrait donc un “staking programmable”, où chaque service rémunère les participants qui participent à son bon fonctionnement, et pénalise ceux qui perturbent son fonctionnement.
Le projet considéré comme une référence dans le restaking à l’heure actuelle s’appelle Eigenlayer, et les services sécurisés grâce à Eigenlayer s'appellent des Actively Validated Service (AVS).
À quoi ça sert ?
Pour la blockchain
Comme dit précédemment, certains réseaux considérés comme vitaux pour l’industrie de la blockchain ne disposent pas forcément de la même sécurité qu’Ethereum.
En effet, il est extrêmement difficile d’attaquer Ethereum frontalement car il faut un budget considérable et une coordination appropriée.
En revanche, il est possible d’attaquer d’autres réseaux tels que les oracles, les protocoles de liquid staking ou les bridges pour beaucoup moins cher, et tout de même causer des dégâts considérables à cette industrie.
Avec le restaking, la sécurité de tous ces réseaux serait assurée par Eigenlayer et par Ethereum. Par conséquent, si on veut attaquer un service sécurisé par le restaking, il faut attaquer Ethereum ou Eigenlayer directement.
L’application du Restaking est extrêmement large, ce qui tombe bien car les secteurs et les expérimentations se multiplient dans la blockchain.
Le restaking permettrait à énormément de projets de bénéficier d’une sécurité solide sans avoir à assurer la leur, et donc réaliser des économies sur leur budget.
Enfin, le restaking pourrait créer ses propres cas d’utilisation, comme des enchères de bloc partiels ou des outils pour vérifier l’inclusion des transactions, ce qui serait très utile pour la résistance à la censure dans une blockchain.
Pour les utilisateurs
Pour les participants au restaking, l’utilité principale est d’avoir des rendements supplémentaires.
Ainsi, pour les validateurs d’Ethereum qui participent au restaking, le but est d’avoir à la fois les rendements du staking d’Ethereum ainsi que les rendements des services qu’il sécurise en parallèle.
Pour mieux comprendre, on peut comparer le restaking avec les “paris combinés” dans les paris sportifs, où un joueur peut faire plusieurs pronostics et les combiner en un seul pari. Les gains potentiels sont plus élevés, mais les risques sont d’autant plus élevés.
Ce faisant, l’utilisateur qui veut participer au restaking doit avoir une bonne connaissance des services qu’il veut sécuriser.
Pour les utilisateurs qui veulent participer au restaking mais qui n’ont pas forcément les moyens financiers et/ou techniques nécessaires, il y a les “Liquid Restaking Tokens (LRT)”.
À l’instar des “Liquid Staking Tokens (LST)” qui permettent d’obtenir des rendements de staking d’une blockchain tout en restant liquide, le but des LRT est d’obtenir non seulement les rendements de staking d’une blockchain, mais aussi les rendements des services sécurisés par le protocole qui émet les LRT.
Là encore, même si le restaking fait l’objet d’un certain enthousiasme, les utilisateurs doivent se renseigner judicieusement sur le fonctionnement des LRT.
Les risques
Le concept de restaking est très intéressant, et de nombreux développeurs (y compris des développeurs éminents) prennent cette thématique au sérieux. Malgré tout, ce secteur montre plusieurs signes évidents d’immaturité :
Intérêt spéculatif > Intérêt technologique
En théorie, le modèle économique d’Eigenlayer est le suivant:
- Les services souhaitant bénéficier de la sécurité du restaking paient un certain montant
- Eigenlayer prélève une commission
- Les opérateurs sécurisant ces services perçoivent le montant déduit de la commission
Autrement dit, les rendements du restaking sont censés provenir d’une activité économique réelle. Mais dans la pratique, on ne sait pas d’où les rendements proviennent :
Lorsqu’on examine les différents tableaux de bords concernant le restaking, on peut voir les différents LRT qui sont émis et les différents AVS mis en place. Il y a même des tableaux de bord dédiés à la spéculation sur les LRT (notamment sur les possibilités d’airdrop).
Mais lorsqu’on cherche des données sur l’activité économique réelle du restaking, on ne trouve rien. Finalement, l’intérêt des utilisateurs envers le restaking est essentiellement spéculatif, et n’a rien à voir avec son utilité réelle.
Une utilisation très théorique
La plupart des cas d’utilisation du restaking cités plus haut dans cette newsletter ont été évoqués au conditionnel, car ils restent encore très théoriques. En effet, nous sommes encore en train d’explorer les cas d’utilisation possibles à l’heure actuelle, et nous ne savons pas encore quels sont les cas d’utilisation les plus appropriés pour cette technologie.
Pourtant, les projets de Liquid Restaking Tokens se multiplient et certains d’entre eux sont capables de lever des fonds allant jusqu’à plusieurs dizaines de millions de dollars, comme si le simple terme "Restaking" suffisait pour lever des fonds.
Plus surprenant encore : on voit déjà l’émergence de concurrents d’Eigenlayer tels que Symbiotic ou Karak alors que la viabilité économique du restaking n’a pas encore été démontrée. De plus, certaines équipes de développement sont sujettes à controverse comme celle de Karak où certains membres sont accusés de fraude.
Les risques techniques
Le restaking est en phase d’expérimentation. Et comme toute phase d’expérimentation qui se respecte, il faut se méfier des risques techniques aussi bien des projets qui construisent sur Eigenlayer que sur le projet Eigenlayer lui-même.
Bien que certains projets feront leur maximum pour assurer la sécurité, d’autres peuvent utiliser cette phase d’expérimentation comme prétexte pour agir n’importe comment. Ce comportement met leur protocole ainsi que leurs utilisateurs en danger, d’où la nécessité de se renseigner en amont.
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