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L'industrie du jeu vidéo s'intéresse aux nouvelles technologies plus vite que les autres industries. On peut même considérer que le jeu vidéo est un marqueur de l'évolution technologique du moment.
Donc lorsque l'IA générative est arrivée avec ChatGPT, Claude, Midjourney et tous les autres modèles, elle a été assimilée très vite
On peut donc se demander ce que ça va changer pour l'industrie du jeu vidéo, et quel sera l'impact de cette technologie sur l'emploi.
Optimiser le développement
Depuis que le jeu vidéo existe, les développeurs ont toujours cherché des moyens pour concevoir leurs jeux du mieux possible au moindre effort.
Entre les moteurs de jeu, les frameworks ou encore les assets prêts à l’emploi, les outils à disposition sont nombreux pour accélérer le développement.
Par ailleurs, l’IA est déjà largement utilisée dans l’industrie du jeu vidéo, bien avant l’avènement de ChatGPT. En effet, l'intelligence artificielle connaissait déjà de nombreuses utilisations différentes:
- Les personnages non-joueurs (PNJs)
- La génération procédurale
- L’adaptation de la difficulté
- Les systèmes d'animation et de physique
En bref, l’IA est juste un outil de plus pour faciliter le développement des jeux.
Mais depuis la montée en popularité fulgurante des agents de conversation tels que ChatGPT ou Claude, la donne a changé.
Alors que l’IA était principalement utilisée pour des composantes spécifiques d’un jeu, il est devenu possible d’utiliser l’IA pour beaucoup plus de strates de développement. Ainsi, certaines tâches comme les interactions avec l’environnement ou les dialogues avec d’autres personnages pourront être automatisées.
Il y a déjà eu des résultats concluants avec des jeux tels que Skyrim où la communauté a créé un ensemble de mods pour que les dialogues des PNJs soient générés par l’IA, et avoir des conversations crédibles avec eux.
Mais on a pu voir récemment un objectif encore plus ambitieux: créer un jeu et le rendre jouable uniquement avec l’IA générative.
Google s’est mis au défi de recréer Doom avec un moteur de jeu nommé GameNGen, la particularité de ce moteur étant qu’il est capable de générer chaque image du jeu en temps réel, en fonction des actions du joueur.
Résultat des courses: Doom est jouable à 20 images par seconde. Nous sommes très loin du confort habituel, surtout pour un jeu vieux de plus de 30 ans. Mais le simple fait de pouvoir créer un jeu avec l’IA générative laisse rêveur quant aux possibilités que cela apporte.
Ce que l’IA va apporter
L’IA va réduire la charge de travail entre l’idée et la réalisation de cette idée. Un développeur seul ou une équipe de développement de quelques personnes pourra créer des jeux beaucoup plus facilement, et réduire l'écart de moyens par rapport aux grands studios de développement.
De nombreux créateurs n’ayant jamais eu les moyens financiers ou techniques pour créer leur jeu vont les obtenir, donc il y aura beaucoup plus de créateurs et beaucoup moins d’exécutants.
Cela signifie aussi plus de capacités d’innovation dans le jeu vidéo en général. Il faut savoir que dans ce secteur, les grosses productions se ressemblent quasiment toutes, et même si les petits studios de développement ont une meilleure capacité d’innovation, ils évitent certaines prises de risque pour conserver leur santé financière.
Avec l’IA, le gain de temps et d’énergie conféré pourrait être utilisé pour expérimenter plus de concepts, et proposer plus de nouveautés.
Forcément, les capacités actuelles de l’IA ne permettent pas de créer les jeux à gros budget de demain. Par contre, on peut trouver des opportunités de développement chez les jeux aux visuels en basse résolution ou en Pixel Art, qui sont très en vogue chez les studios de développement indépendants.
Attention aux dérives
Comme pour le passage de la 2D à la 3D, l’industrie du jeu vidéo est en pleine phase d'expérimentation avec l'IA générative. Et comme toute phase d'expérimentation, on constate aussi des dérives néfastes.
La dérive la plus notable est la propriété des données. C’est un problème récurrent lorsqu’on aborde le sujet de l’IA, mais il y a aussi des problématiques plus subtiles.
Par exemple, Blizzard utilise des modèles d’IA pour réaliser des concepts arts, sauf que les données d’entraînement proviennent directement des concepts arts réalisés sur tous les jeux créés par Blizzard, sans le consentement des artistes.
Beaucoup d’employés et anciens employés s’inquiètent que Blizzard s'accapare tous les bénéfices de leurs futurs jeux, sans rien laisser aux personnes qui ont entraîné le modèle.
Tout ça soulève une vraie question : comment valoriser les données ayant servi pour l’entraînement d’un modèle ?
Il s’agit d’une question qui va bien au-delà des relations contractuelles, et qui devra être vite répondue car Blizzard est loin d’être la seule entreprise à agir de cette façon.
Pourquoi il y a des licenciements ?
Sur les réseaux sociaux, on constate beaucoup d’indignation concernant les vagues de licenciements qui se produisent dans l’industrie du jeu vidéo au cours de ces dernières années. Depuis 2022, on estime que 11 540 personnes travaillant dans le jeu vidéo ont été licenciées tous postes confondues, et environ 30 à 50 studios de développement ont été fermés.
Puisque l’émergence de l’IA et les vagues de licenciements sont arrivées presque en même temps, beaucoup estiment que ces événements sont liés, et que l’IA va empirer la situation.
Il est évident que des licenciements sont arrivés car certaines tâches ont été automatisées en utilisant l’IA, ce qui a rendu les postes associés à ces tâches obsolètes. Certains studios de développement tels que Square Enix assument ouvertement leur positionnement sur l’IA.
Mais dans les faits, l’IA représente un motif de licenciement très minoritaire, car l’industrie du jeu vidéo est confrontée à des problématiques bien plus graves.
Pour donner davantage de contexte, le secteur du jeu vidéo a connu une croissance prodigieuse de 2020 à 2022, principalement due au Covid et aux confinements.
Beaucoup de grandes sociétés ont donc massivement investi pour créer d’autres studios et embaucher plus de personnel, en s’imaginant que cette croissance serait soutenue.
Cette croissance a été beaucoup moins forte que prévue, et cela a eu beaucoup de conséquences néfastes sur l’industrie:
- Restructurations internes après des fusions ou acquisitions
- Projets annulés aussi bien par les petits studios que les grands
- Pressions financières
Ce sont ces raisons qui provoquent la grande majorité des licenciements qu’on connaît en ce moment, et dont l'IA n'est pas vraiment à blâmer.
De plus, on peut constater un pessimisme latent sur l’avenir de l’industrie, alors que d’un point de vue purement factuel, elle se porte bien. Pour les 30 à 50 studios qui ont été fermés, 500 à 700 studios ont été créés au cours de la même période.
Quand bien même ces studios seraient plus petits et moins expérimentés, ils peuvent compenser ce retard en utilisant de nouveaux outils, notamment l’IA.
Utiliser l'IA deviendra un impératif
ChatGPT est parvenu à atteindre 200 millions d’utilisateurs hebdomadaires en moins de 2 ans. À titre de comparaison, Google a atteint ce seuil en 5 ans.
Entretemps, l’utilisation de l’IA commence à s’ancrer dans les moeurs. Au lieu de “demander à Google” pour faire nos recherches, on va “demander à ChatGPT”.
Ce sont des signes très clairs qu’un virage technologique est en train de s’opérer, et il sera nécessaire de négocier ce virage.
Historiquement, l’industrie du jeu vidéo est plus rapide que les autres pour assimiler les nouvelles technologies, et l’IA générative est déjà adoptée.
Dans les grands studios de développement, les employés ont des formations obligatoires pour utiliser l’IA générative, et certains studios développent leur propre modèle pour à la fois garder la souveraineté de leurs données, et éviter les problèmes juridiques.
Nous avons surtout parlé de jeux vidéo dans cette édition, ceci dit il ne sera qu’une question de temps avant que d'autres industries ne fassent de même.
